AUBUSSON, UNE RENOMMEE UNIVERSELLE

Tiré du numéro 125 de LIMOUSIN MAGAZINE de février 1972, cet article est une vision trés positive de notre ville si on lui oppose la réalité d’aujourd’hui dans certains domaines. Mais l’auteur, Martial Colson, a été plus que visionnaire dans d’autres domaines (Un des rares auteurs contemporains aubussonnais et le seul de science-fiction alors je vous reparlerais de lui, d’ALCO et du festival de science-fiction de 1979), du coup, son analyse m’a paru a remettre en lumière.
AUBUSSON, UNE RENOMMEE UNIVERSELLE

Aubusson. Nom prestigieux, qui éveille des échos dans le monde entier. Tapisserie d’art, tapis de grand luxe, ce mot d’Aubusson, sous la plume d’un romancier « noir américain » suffit à celui-ci et à ses lecteurs d’outre-Atlantique, pour signifier le plus douillet et le plus luxueux (parfois les deux ensemble) des conforts.

D’où vient cette renommée universelle, qu’en est-il, aujourd’hui même, et dans quelle mesure ne risque-t-elle pas de masquer aux yeux de la France contemporaine la physionomie réelle de cette laborieuse et sensible agglomération, un seul (mais infaillible) moyen pour le savoir :
Juger sur pièces. avoir à subir la moindre baisse de production, tout cela explique pourquoi Aubusson est la plus importante des (petites) villes creusoises quant au nombre des personnes employées dans des entreprises industrielles. Hors commerce et bâtiment, en effet, il existe à Aubusson 1.360 salariés, contre respectivement 750 à Boussac et 680 à Guéret, qui viennent ensuite, au plan départemental.

A l’heure où les cités se cherchent des terrains où implanter des « zones industrielles », celle d’Aubusson existe depuis longtemps, sans jamais avoir été prévue par « esprit de système », ou de « mode ».

Après avoir suivi la voie ordinaire de l’extension des agglomérations urbaines (vers l’Ouest), Aubusson paraît bien devoir trouver maintenant son second souffle en dépassant le cadre proprement communal. II s’agit en fait de voir s’animer une région admirablement bien située sur un axe suivant « grosso modo » le cours de la Creuse, jusqu’à Felletin vers l’amont, et Lavaveix-Ahun vers l’aval. Felletin, longtemps un peu figée, s’anime. Les deux axes routiers (dix kilomètres) qui relient les deux villes-soeurs par la route du plateau et la vallée, s’améliorent. Le trafic marchandises sera maintenu par la S.N.C.F. et des industries s’implantent à Felletin. Plus haut encore, vers les terres pauvres du plateau de Millevaches, une extraction de minerai radio-actif se met en place. Moutier-Rozeille, petite bourgade dynamique, est située à mi-chemin très exactement d’Aubusson-Felletin. L’industrialisation y trouvera son point fort. Déjà y prospèrent une importante scierie et une usine de produits chimiques. La Société des Carrières d’Aubusson équipe actuellement, à Moutier-Rozeille, une usine de production de bordures de trottoirs et d’éléments divers préfabriqués en béton.

Et Aubusson lui-même a prévu son extension future en direction de Felletin. Des logements H.L.M. sont en construction à la « Croix-Blanche ». Le nouveau central téléphonique se construit à cinquante mètres de là ; à la même distance, dans l’autre sens, prendra place le remarquable complexe touristique et sportif prévu par la municipalité ; le collège d’enseignement technique fut également achevé il y a peu, dans ce site remarquable ; enfin la zone d’urbanisation prévue au plan d’urbanisme de la cité est dans le prolongement du complexe touristique.

Pour en terminer avec ce rapide (et forcément incomplet) tour d’horizon du développement économique, signalons l’effort important consenti ces dernières années pour la construction de logements : plus de cinq cents depuis une quinzaine d’années. II s’agit là, on le sait, d’une condition obligée du développement économique.

L’équipement d’ enseignement

Avec les usines et les logements, l’accueil des enfants dans les écoles a également accompli de gros progrès.
Le lycée d’Aubusson aura prochainement été entièrement reconstruit à neuf, puisque la dernière tranche de travaux s’achève aujourd’hui. II aura été aussi considérablement augmenté, puisque furent créés un internat de jeunes filles et un internat de garçons avec tous leurs services. Un magnifique gymnase, qui sert également à nombre d’associations sportives de la cité.
permet la pratique en toutes saisons. Les groupes scolaires de quartiers ont été agrandis, modernisés, ou même créés de toutes pièces (Chabassière). le collège d’enseignement technique, avec ses classes, ses services d’internat, ses surfaces et locaux sportifs, ses ateliers, est devenu au fil des ans, une ville dans la ville. Les résultats y sont excellents.

Enfin, l’Ecole nationale des Arts décoratifs, récemment reconstruite dans des proportions qui multipliaient par dix ou vingt ses anciens locaux, n’est plus que dans l’attente de son équipement d’internat, pour donner le maximum de son résultat potentiel. D’ores et déjà, elle a remanié fortement le climat culturel de la ville.Qui dira ce que cet établissement, fleuron d’Aubusson, doit aux efforts de Michel Tourlière, son plus récent directeur, et d’un corps enseignant groupé autour de lui. Récemment mis en charge de l’Ecole nationale supérieure des Arts décoratifs de Paris, cette promotion est à la mesure du jugement porté sur son action aubussonnaise. Elle prive seulement la petite ville creusoise de cette présence qui lui fut si bénéfique.

Cette école des arts, l’ « E.N.A.D. », ainsi qu’elle est connue sur place, est devenue réellement le phare culturel de la région. Mise largement à la disposition de toute la collectivité, elle constitue une merveilleuse maison de la culture. Son amphithéâtre accueille conférences, concerts, ciné-club, etc… Ses salles d’expositions présentent, bien sûr, la tapisserie marchoise, mais aussi des sculptures, du mobilier ; et bientôt la philatélie, la photographie y seront à l’honneur.

L’art et le tourisme

Ce dernier établissement nous amène tout naturellement à un élément extrêmement important pour Aubusson, non point peut-être tant au niveau économique (on a vu que les activités étaient malgré tout et heureusement diversifiées), mais d’un point de vue peut-être sentimental, et surtout intellectuel, moral, qui conditionne le prestige de la ville d’Aubusson : la tapisserie d’art. Entre autres arts décoratifs, évidemment et au sein d’un ensemble qui comprend des équipements audio-visuels très complets, des ateliers de dessin, de céramique, de peinture, de sculpture, de gravure même (et un équipement très éclectique est en cours d’installation à ce dernier propos), l’Ecole des Arts décoratifs enseigne également le tissage de cette merveille de goût, de soin, de chaude ambiance « laine » : la tapisserie d’Aubusson. Nombreux sont les artistes lissiers à avoir connu les cours de cet établissement qui oeuvre ainsi très utilement à la fois pour le maintien de la tradition technique et pour l’ouverture aux impératifs contemporains de la décoration. Ce rôle est primordial, car il permet de tenir la gageure de lier intimement, au point d’en faire les éléments d’un même moteur artistique, deux facteurs qui pourraient paraître antinomiques : le respect du passé et la recherche du mouvement.

Mais la tapisserie marchoise est à Aubusson un élément de la vie de chaque jour et non pas seulement un principe scolaire. Les ateliers aubussonnais tissent, produisent et exportent en France et loin au-delà dans le monde, la renommée de l’art local. Et cette tapisserie d’art actuelle, vivante preuve de l’existence pour Aubusson d’un passé prestigieux, d’un présent éclatant et d’un futur plein de promesses, représente une attraction sans précédent sur un nouveau pouvoir économique, récente acquisition de notre univers du XX` siècle, le tourisme.

Le tapissier d’Aubusson est un être un peu particulier. II aime avant tout son travail, un travail bien fait. II est sensible à des nuances de sentiment, de sensibilité, de goût pour l’art qui ont marqué la psychologie de toute la population, par un phénomène d’osmose somme toute bien compréhensible. De là viennent une fierté un peu ombrageuse, un aspect un peu taciturne de prime abord, qui laissent bien vite la place, pour qui s’attire la sympathie par son respect de l’homme, à une inébranlable fidélité.

Les artisans lissiers d’Aubusson sont également très bien organisés. Conscients du potentiel qu’ils représentent, ils organisent chaque année l’exposition officielle de l’Hôtel de Ville, avec la collaboration de la municipalité. Manifestation traditionnelle, critiquée par certains esthètes, mais dont le succès qu’elle rencontre et qui ne s’est jamais démenti, prouve tout l’intérêt.

Cet afflux de visiteurs rencontre un équipement hôtelier très correct et la réputation gastronomique de la ville n’est plus à faire. Les tables sont renommées, et le confort des installations proprement hôtelières, étonne à bon droit bien des visiteurs de passage.

De grands projets dans l’équipement touristique entrent actuellement dans les faits, avec le début des travaux, prévu pour 1971, au complexe touristique de la Croix-Blanche. II s’agit, en développant le camping existant, déjà connu pour son confort, ses facilités et sa propreté, de créer un ensemble de plus de deux hectares, propriété de la municipalité et situé à la fois sur le territoire de la commune d’Aubusson et de celle, voisine, de Moutier-Rozeille. Plan d’eau pour la baignade, ultérieurement piscine, promenade, terrain de ball-trap, etc., sont envisagés et se réaliseront, n’en doutons pas.

Les sociétés sportives foisonnent littéralement à Aubusson et première société haltérophile du département, Aubusson truste les records départementaux, l’équipe du Tennis-Club est aussi la première du département, la société de foot-ball est prospère et les clubs et écoles de basket, judo, volley-ball, natation, rugby, obtiennent actuellement d’excellents résultats. On le voit, le touriste est assuré, à Aubusson, d’un excellent séjour, le tout au coeur d’une campagne non polluée, où les vestiges archéologiques sont légion et du plus haut intérêt.

Les problèmes qui se posent actuellement à la ville sont ceux, justement, typiques du progrès. Circulation, moyens de communication commencent à manquer. L’engorgement menace. Heureusement, les réalisations semblent devoir suivre à peu de chose près la demande.

Le central automatique est en cours de construction, pour le téléphone. Un projet de dégagement routier sera inscrit au Plan. La route et le rail sont les préoccupations les plus graves du moment. On sait les divers projets qui ont été établis, pour le passage dans la région de la grande rocade Suisse-Océan : en effleurant le nord du département de la Creuse, ou bien l’itinéraire Ussel-Clermont (Nationale 89). Les Aubussonnais et les habitants de la région qui les entourent se demandent actuellement, avec perplexité, pourquoi de telles discussions, alors que cette voie Est-Ouest est traditionnellement depuis deux mille ans et plus, attachée au parcours routier Clermont-Limoges, qui passe, justement, par Aubusson. Ils souhaitent que la logique et le bon sens regagnent ici leurs droits et que l’antique système qui consistait à choisir le plus court, pour déterminer un itinéraire, soit une nouvelle fois mis en pratique.
La technique moderne de construction des routes serait-elle plus faible que la pelle et la pioche des légionnaires romains ?…

Une vie intellectuelle extrêmement active, une économie en plein essor, un tourisme plein de promesses, Aubusson est une cité bien décidée non pas à survivre, mais à exploser démographiquement, économiquement, culturellement. Ses habitants sauront exiger, s’il le faut, de ne pas être laissés pour compte sur le plan des équipements généraux, mais ils sont persuadés que nul ne leur contestera leur droit. Un nom tel celui d’Aubusson ne peut qu’espérer augmenter son prestige à venir.

Martial-Pierre COLSON.

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