Ce livre, comme j’ai pu le lire devenu fort rare déjà en 1935 pour Maurice Dayras, a été édité à Moulins (Imprimerie P.A. Dezrosiers) en 1836. C’est un recueil de poémes à la fois sur des thèmes généraux mais aussi sur Aubusson, patrie de l’auteur Alfred Rousseau, magistrat et jurisconsulte très lettré, qui chérissait sa cité et l’a célébrée en vers. Plusieurs textes sont à signaler sur le Marchedieu, le Château… En voici deux titrés « Aubusson ».
AUBUSSON
I
Voyez dans son bassin s’échelonner la rue,
Comme un sillon profond creusé par la charrue !
Pourquoi tes bras ainsi sont-ils tendus en croix ?
Dieu marqua-t-il ton front de ce signe suprême,
Ville des sarrazins, qui reçus le baptême
Et courbas le genou sous la verge des rois ?
J’aime ta large épaule et ton mince corsage ;
On dorait une vierge assise sur la plage
Et qui nonchalamment baigne ses pieds dans l’eau ;
Du haut de la montagne, en passant, on se penche,
Pour te voir reposer dans ton bain toute blanche,
Et le front appuyé sur les flancs du coteau !
Là, sur son piédestal le Chapitre en masure
Offre aux yeux attristés ses arbres sans verdure,
Cierges debout encor au-devant d’un cercueil ;
Sur les murs suspendus et dont la chute effraie,
Comme une ombre plaintive, on voit passer l’offraie,
Gardienne des tombeaux qui se plait dans le deuil !
Ici, voyez l’église où se dit la prière,
L’église qui domine et qui semble un calvaire,
Entre le ciel et nous, pour offrir notre encens :
L’église qu’on dirait étendre sa double aile,
Pour couvrir les maisons qui se groupent près d’elle,
Comme fait une mère à ses petits enfans !
Quand le brouillard au loin jette son voile sombre,
un tableau magique paraît flotter dans l’ombre :
On croirait devant soi voir une immense mer,
Et des vaisseaux venus d’une course lointaine
Qui dorment dans la rade, assis sur leur carène,
Et laissent tomber l’ancre au fond du gouffre amer.
Ou quand j’entends l’horloge avec sa voix sonore,
Je crois voir dans sa chaire un moine qui pérore,
Vêtu d’un blanc surplis et d’une mantelet noir :
Les maisons à ses pieds, comme de saintes femmes,
Se tiennent en silence, et pour sauver leurs ames,
Ecoutent le sermon qu’il leur fait chaque soir.
II
Que t’importe un grand nom, ô mon humble patrie !
La royauté pour toi, c’est ta noble industrie :
La faim n’entre jamais dans tes grands ateliers ;
l’avenir est au peuple, et les rois de la terre
Perdront comme un jouet leur puissance éphémère ;
Laisse porter ton sceptre à tes fils ouvriers !
Et contre les trésors de l’Inde et de l’Espagne,
Tu pourras échanger, au pied de ta montagne,
Les produits veloutés tissus par nos enfans :
Des sommets du Tibet et des rives du Tage,
Les étrangers prendront leur bourdon de voyage,
Pour t’apporter ici l’or, la myrthe et l’encens.
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