Texte de GAY DE VERNON sur les Aubussonnais de 1827

Ce texte est extrait des « Mémoires et reconnaissances pour l’établissement de la carte de France », un fonds documentaire conservé au Château de Vincennes, au Service Historique de la Défense (ancien Service Historique de l’Armée de Terre), regroupant les enquêtes de terrain qui ont servi à établir la première carte d’état-major. Sous la cote 1M1256 « Carte de France, feuille d’Aubusson », on trouve deux cahiers de 14 et 30 pages rédigés par M. le Baron Gay de Vernon, capitaine au corps royal d’état-major, en 1827, intitulés « Mémoire sur la reconnaissance de la route d’Aubusson à Bourganeuf », dans lesquels l’auteur décrit l’environnement physique, la nature des sols, le réseau de routes, la ville, les mœurs des habitants, l’histoire du pays, l’activité économique.

« Mœurs des habitants. (page 14-15)
« Les hommes sont d’une taille ramassée et nerveuse, petite et qui, pour la moyenne, reste au-dessous de 162 centimètres. Ils sont robustes, laborieux et remarquables par l’économie et la sobriété qui préside à leur manière de vivre. Tour à tour cultivateur ou artisan, le paysan est rêche ( ?), réservé, aimant les […?] et vivement attaché au sol qui l’a vu naître. Son ambition est de monter au rang de propriétaire foncier : c’est dans cet unique but qu’il excite toutes ses facultés et toute son industrie, heureux de mettre un prix exorbitant à de stériles héritages qu’il travaille avec une infatigable constance. Il excelle dans la manière de conduire et distribuer les eaux pour l’irrigation des pâturages. Les murs en pierres sèches de soutènement ou de démarcation sont construits avec un soin particulier : les matériaux en sont souvent préparés au ciseau et au marteau. Les paysans ont de la répugnance pour le service militaire : ils cherchent à s’y soustraire par des moyens honteux ; le commerce des faux passeports et leur fabrication est une branche d’industrie fort lucrative. Le nombre des hommes signalés au dépôt de recrutement de la Creuse comme déserteurs, réfractaires ou retardataires s’élève à deux recrues sur neuf.Les produits du terrain et des manufactures ne pourraient suffire à la consommation des habitants : mais l’émigration annuelle et périodique de la majeure partie de la population est avantageuse à la contrée et rapporte des ressources qui, jusqu’à un certain point, suppléent à la pauvreté locale. Le nombre des hommes qui sortent ainsi du pays est de 5000 environ. Ce qui fait rentrer annuellement une somme de près de douze cent mille francs. Les ouvriers vont exercer leurs professions dans divers départements : les maçons à Paris, les peintres en bâtiment, les vitriers et les doreurs à Lyon, les scieurs de long dans la Hte Vienne, la Dordogne, les Deux-Sèvres, la Charente et la Charente inférieure.Les immigrations se réduisent à quelques pionniers qui descendent du Cantal ou de la Haute-Loire. Les occupations des femmes ne se réduisent pas aux soins intérieurs du ménage ; elles partagent la plupart des travaux de l’agriculture et, pendant l’absence des hommes, elles en supportent tout le poids. L’habitude de voyager au loin rend ces paysans hardis, lestes et intelligents ; mais ils sont guérisseurs, emportés et jaloux à l’excès de leurs femmes et de leur fortune. Moins ignorants et moins grossiers que leurs voisins, policés par de longs séjours dans de grandes villes, ils ne sont pas faciles à intimider et résisteront, s’il le faut, à main armée, au libertinage, aux demandes injustes et aux vexations des soldats. La pompe et la force militaires ne sauraient les éblouir ou les effrayer ; dans leurs voyages ils ont été à portée d’en connaître l’éclat et la puissance, mais en même temps , ils en ont aperçu les parties faibles ou honteuses. Celui-là sera leur ennemi qui leur fera plus de mal. Les hommes, accoutumés aux longues marches, qu’ils font, le sac au dos, en troupes de 15 à 20, ont appris naturellement à cadencer leur pas et à calculer les distances. Aussi, lorsqu’ils le veulent, peuvent-ils donner sur le pays des indications assez exactes. Les meilleurs guides sont les meuniers et les taillandiers. »

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