Trouvé dans la « Revue du Centre-Ouest Economique et Touristique » (organe Officiel de la VIIéme Région Economique !) daté de Mai-Juin 1939, voici un article non signé reprenant le discours de François Tabard à l’Inauguration de l’exposition de la Chambre Syndicale des fabricants de Tapis et Tapisseries d’Aubusson-Felletin. Encore une fois, une belle défense de la Tapisserie.
Samedi 10 juin, a eu lieu, à Aubusson,la cérémonie d’inauguration de l’Exposition de la Chambre syndicale de tapis et tapisseries d’art d’Aubusson-Felletin.
Place du Monument, empruntant le début de la rue Vieille aux maisons si pittoresques et après avoir gravi quelques marches, on accède aux locaux de l’Exposition. Une vaste cour en terrasse agrémentée de massifs de fleurs, la grandiose toile de fond de la colline des Granges où, parmi la verdure, éclate l’or des genêts en fleurs ; c’est, à droite, un vaste bâtiment transformé en deux longues galeries à l’éclairage judicieusement, tamisé où sont exposées les tapisseries d’Aubusson.
La construction récente d’un escalier extérieur permet au visiteur, sans retourner sur ses pas, de parcourir les deux étages. Au rez-de-chaussée sont présentées de grandes tentures murales, des tapis d’Aubusson, des sièges recouverts en tapisserie.
Au premier étage, encore des tentures murales, des tapisseries pour sièges et une multitude de petites pièces : tableaux, écrans s’offrent à l’admiration des visiteurs.
La présentation est parfaite ; les tapisseries sont groupées par styles. On débute par des pièces de style gothique pour terminer par des œuvres très modernes. Les galeries sont claires, gaies, méticuleusement propres, la présentation des tapisseries attrayante.
Redescendant par l’escalier extérieur d’où on peut admirer le magnifique panorama de la colline des Granges et des vieilles maisons d’Aubusson s’étageantsur les rives de la Creuse, la visite se poursuit dans un bâtiment opposé de l’autre côté de la cour où sont présentés les tapis de pied et où se trouve un coquet bureau de renseignements.
Dès dix-sept heures, la foule nombreuse des invités se groupait dans la galerie du rez-de-chaussée où un vin d’honneur était offert par la Chambre syndicale. Nous avons remarqué la plupart des personnalités d’Aubusson et de la région : Conseil municipal, sous-préfecture, Parlement, Magistrature, barreau, postes, finances, gendarmerie, clergé, enseignement, commerce et industrie, etc… Prenant, le premier la parole, M. François Tabard, président de la Chambre syndicale des fabricants de tapis et tapisseries d’art d’Aubusson-Felletin, souhaite en une belle allocution la bienvenue aux nombreuses personnes présentes ; il indique les raisons qui ont amené la Chambre syndicale à organiser cette exposition : permettre aux touristes et visiteurs passant à Aubusson devoir en peu de temps et dans un cadre agréable les productions de notre belle industrie. Il termine en demandant à tous de se faire les propagandistes de la tapisserie parmi leurs relations.
M. Hindermeyer, président de la Chambre de Commerce de la Creuse, qui présidait cette inauguration, remercie ensuite en une improvisation les membres dela Chambre syndicale et les félicite de l’effort magnifique qu’ils ont fait en réalisant cette belle exposition depuis longtemps souhaitée. Il dit que la Chambre de Commerce de la Creuse sera toujours prête à aider dans la mesure de ses possibilités au relèvement de l’industrie aubussonnaise ; puis, abordant un problème qu’il connaît bien, il traite de la situation du commerce extérieur qui intéresse au premier chef l’industrie de la tapisserie ; il est persuadé qu’une meilleure organisation de notre prospection à l’étranger pourrait donner d’heureux résultats. Il termine en constatant que c’est par la solidarité, quelquefois exclusive de l’intérêt personnel, que les fabricants d’Aubusson et de Felletin ont mené à bien l’organisation de cette exposition et il les invite à continuer dans cette voie d’intérêt général.
Après le toast porté à la prospérité d’Aubusson et de Felletin, les personnes présentes purent à loisir visiter les galeries et l’opinion générale fut que cette inauguration marquait un événement aubussonnais et qu’enfin était réalisée une véritable exposition de tapisseries d’art, depuis longtemps souhaitée par tous ceux qui s’intéressent à l’avenir de notre industrie.
Nous sommes persuadés que l’effort considérable fait par la Chambre syndicale des fabricants d’Aubusson-Felletin sera couronné de succès, que les visiteurs et îes acheteurs viendront nombreux admirer cette exposition.
DISCOURS DE M. FRANÇOIS TABARD
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs.
Au nom de la Chambre syndicale des fabricants de tapis et tapisseries d’art d’Aubusson-Felletin, je suis heureux de vous souhaiter la bienvenue et de vous remercier d’avoir bien voulu répondre à notre modeste mais cordiale invitation en venant si nombreux honorer de votre présence cette petite manifestation locale.
Plusieurs personnalités, pour des raisons de récent décès dans leur famille,d’absence, ou d’obligation professionnelle se sont excusées de ne pouvoir être des nôtres, tout en nous exprimant leurs regrets et leurs vœux de prospérité pour notre exposition. Ce sont Mme Roux. M. Dubrulle, directeur de la Banque deFrance ; M. Devaux, président du tribunal ; M. Tartary, maire honoraire ; M.Landillon, adjoint au. maire ‘, MM. Desbrousse et Huptmann, membres de la Chambre de Commerce de la Creuse ;le commandant Jabin, président du Syndicat d’initiative ; M. Albert Jabin ; M.Goupil, conseiller municipal ; M. Thévenot, directeur des Forces motrices de la Haute-Creuse.
Mesdames et Messieurs, il nous est, à nous et à mes collègues et à moi-même particulièrement agréable de vous accueillir ici.
Depuis plusieurs années, grâce aux efforts conjugués de tous les groupements et personnalités s’intéressant au développement de notre région, le mouvement touristique s’est considérablement amplifié dans la Creuse et en particulier nombreux sont les visiteurs qui, durant la saison estivale, s’arrêtent dans notre vieille et bonne cité d’Aubusson. Ils s’y arrêtent pour contempler un site, panoramique, charmant et grandiose à la fois, pour y admirer nos vieilles rues, nos antiques maisons. Mais les quelques heures d’arrêt qu’ils nous accordent ont souvent et surtout pour but de connaître notre industrie séculaire et presque légendaire. Ce sont ces raisons qui nous ont amené depuis quelques années à organiser à Aubusson une exposition qui permette aux visiteurs, même pressés, de voir nos productions, de les admirer, quelquefois de les acheter.
Jusqu’alors des installations de fortune présentées dans des locaux mis à notre disposition par la municipalité d’Aubusson, nous avaient permis de répondre, partiellement tout au moins, a ce désir. L’occupation par une nouvelle industrie à laquelle nous souhaitons la bienvenue, des locaux des anciennes fabriques d’Aubusson nous a mis dans la nécessité d’envisager pour cet été une autre organisation.
C’est cette nouvelle installation que nous sommes heureux de vous présenter. Nous nous sommes efforcés, dans la mesure de nos possibilités et, de nos moyens, de la rendre aussi agréable et aussi séduisante que possible. Je crois que nous avons touché à la réalisation de ce programme.
Les vastes locaux à Aubusson sont rares ! Nous avons trouvé celui-ci qui répondait quant à l’espace à ce que nous souhaitions ; mais ceux qui l’ont connuet visité, il y a un an. seulement, peuvent juger de l’amélioration qui a été apportée. Je me fais ici un devoir de remercier la famille Duprat, propriétaire de cet immeuble, de toute l’obligeance qu’elle a mise en nous facilitant par des travaux de gros œuvre la transformation de ce local. Je remercie et félicite aussi M. Paul Pinlon, architecte,dont les directives éclairées ont présidé à ces heureuses transformations.
Le résultats est celui que nous désirions : des salles propres et spacieuses,bien éclairées, une visite facile, le tout dans un cadre agréable où la nature donne sa note particulièrement pittoresque.
Coïncidence : c’est dans une ancienne fabrique où pendant de nombreuses années se sont exécutées nos riches tentures, nos somptueux mobiliers que nous les présentons aujourd’hui. Pour les vieux Aubussonnais, cet immeuble était connu sous le nom de « wagon ». Je ne sais trop pourquoi du reste et un visiteur me disait, il y a quelques jours : « J’ai bien connu ce vieux wagon, mais vous l’avez transformé en un Pullmann de grand luxe. » C’est peut-être beaucoup dire mais je retiendrai le terme en souhaitant que de même que nos véhicules ferroviaires transportent à travers les contrées le voyageur désireux de connaître et de s’instruire, notre « wagon »aubussonnais, quoique immobile sur sa voie de garage de granit, se fasse aussi le véhicule de propagande qui répandra très loin la réputation de notre belle industrie.
Certains formuleront peut-être quelques critiques sur cette exposition et je voudrais d’avance y répondre. On aurait peut-être souhaité voir une exposition de grande classe avec seulement quelques pièces sélectionnées à grand effet.A cela, je dirai que point n’était là notre but. Nous avons voulu, dans un espace relativement restreint, non trier toute la gamme de nos productions dans des styles et des genres différents. Nous sommes heureux de recevoir ici des admirateurs mais nous sommes non moins satisfaits d’y compter des acheteurs.
Les acquéreurs éventuels de grandes tentures sont rares, mais nombreux sont les touristes qui désirent, de leur passage en notre ville, emporter un petit souvenir en tapisserie. Ils pourront trouver ici de petits objets de caractère artistique et de prix à la portée des bourses les plus moyennes.
D’autres regretteront que les œuvres de composition moderne ne soient pas plus abondamment représentées à notre exposition. La raison en est qu’une importante exposition de tapisseries modernes d’Aubusson a lieu actuellement à Paris au Petit Palais, et que la plupart des tapisseries de ce genre exécutées parles membres de notre Chambre Syndicale y figurent.
D’autres enfin critiqueront l’emplacement même de notre exposition, un peu retiré du centre de la circulation. C’est un fait ; mais nos panonceaux, notre publicité et aussi votre obligeance à tous, Mesdames et Messieurs, permettront en grande partie de pallier à ce petit inconvénient ; et puis, ne restons-nous pas encore dans la tradition des armes de notre cité et notre exposition ne fleurit elle pas au milieu des épines ? ou plus exactement des toits pointus des vieilles maisons qui l’entourent ?
Enfin, nous avons fait ce que nous avons pu et, en cette période difficile, c’est un effort considérable et méritoire que nous avons fourni.
Notre ministre des Finances nous disait, il y a peu de temps, que toutes les fois que l’on ne réalisait pas ce qui était réalisable, on paralysait l’activité du pays, on travaillait contre la patrie, qu’il fallait oser ; eh bien ! dans une période des plus critiques, nous avons osé.
Mais, M. Paul Reynaud disait aussi que celui qui n’achetait pas travaillait aussi contre la patrie, qu’il fallait acheter. Et c’est à vous, Mesdames, Messieurs, que je m’adresse en vous demandant de vous faire les propagandistes de la tapisserie.
Vous avez certainement parmi vos amis, dans vos relations, dans les associations auxquelles vous appartenez, des personnes susceptibles de s’intéresser à nos productions ; parlez-leur d’Aubusson, de ses tapisseries, engagez-les à visiter notre exposition. Le meilleur accueil leur sera réservé ici. S’ils viennent en curieux, ce seront des éléments nouveaux qui prendront contact avec notre industrie et contribueront à son rayonnement. S’ils viennent en acheteurs, c’est un peu de travail qu’ils apporteront à notre cité. C’est quelques ouvriers qu’ils enlèveront au chômage.
Je vous ai jusqu’alors parlé de, la tapisserie. Je ne voudrais pas terminer sans vous dire que tous les visiteurs trouveront également ici la collection complète des tapis d’Aubusson de la Maison Sallandrouze. Les qualités des productions de cette firme sont connues de tous et partout, on peut les acquérir ici dans les meilleures conditions.
Je terminerai en vous redisant à tous Merci, et en levant mon verre à la prospérité de nos deux villes sœurs, Aubusson et Felletin, et à la grandeur de la France.
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