Dans les Mémoires de la Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, Volume 3 de 1862, on trouve un texte intéressant sur Jean-Joseph DUMONS, peintre du roi nommé en 1731 aux manufactures d’Aubusson pour y apporter des modèles. De quoi trouver quelques traces de ce peintre royal mais aussi re-citer un autre peintre de la même époque, François Finet, dont nous avons des oeuvres pas loin…
Texte tiré des Mémoires de la Société des sciences naturelles et archéologiques de la Creuse, Volume 3 de 1862 :
LES MANUFACTURES DE TAPIS D’AUBUSSON. Sur la foi de quelques géographes mal informés, on attribue au règne de Louis XIV et particulièrement à la brillante administration de Colbert la fondation, dans quelques villes de la Marche, de cette belle industrie toujours florissante et qui jouit plus que jamais d’une réputation européenne. C’est là une erreur malheureusement très-accréditée, mais il faut reconnaître qu’elle a pris sa source dans un fait important et qu’il est bon de mettre en relief. Ce fut, en effet, sous le ministère de Colbert que l’état voulant régénérer, au point de vue de l’art et du goût d’alors, les anciennes manufactures de haute et basse lisse qui existaient à Aubusson, nomma des peintres en titre pour composer des sujets propres à être reproduits et dignes de figurer dans les ameublements royaux. L’artiste que M. de Chennevières nous fait connaître fut, à une époque, titulaire de l’emploi dont il a été question, mais il avait eu des prédécesseurs qui nous sont inconnus. On croit généralement que le peintre Finet, dont il existe encore de bons tableaux à Guéret et à Montluçon, fut aussi chargé de fournir des dessins aux ateliers d’Aubusson. Plus tard, et peut-être dans le même temps, on voit apparaître les œuvres des Barrabant qui se rendirent célèbres par leurs paysages nommés verdures. Il existe encore à Chénérailles deux belles tapisseries de ce genre signées des Barrabant. Le dernier représentant de cette famille, Jacques Barrabant, né à Aubusson en 1767, fut un artiste très-distingué. Il peignait avec une rare habileté les oiseaux et les fleurs. « JEAN-JOSEPH DUMONS, Peintre pour le Roi, des manufactures d’Aubusson. » Cette pièce (1) qui intéresse à la fois l’histoire des manufactures de tapisseries d’Aubusson et celle d’un peintre de certaine valeur dont les œuvres sont très-peu connues, m’a été obligeamment communiquée par M. Leclerc fils, marchand de tableaux et d’estampes de la rue de Provence. On sait, par les registres de l’Académie royale de peinture et sculpture , que le Jean-Joseph Dumons, nommé par le brevet, en date du 20 mars 1731, peintre et dessinateur pour le roi des manufactures de tapisseries établies en la ville et faubourg d’Aubusson, et qui fut reçu de l’Académie royale, comme peintre d’histoire, le 29 octobre 1735, sur un tableau d’Adam et Eve, dissimulé avec raison dans les magasins du musée du Louvre, était né à Tulle en 1687. Il mourut fort âgé, en mars 1779; il avait quatre-vingt-onze ans et six mois, et n’avait passé par aucun des grades de l’Académie. D’autres ouvrages à Paris que son morceau de réception, on n’en trouve plus trace. Dargenville raconte dans son Voyage pittoresque de Paris que Dumons avait peint tout en haut du maître-autel de la chapelle des Capucins (quartier du Palais Royal) les vingt-quatre vieillards prosternés devant le trône de l’Agneau. La révolution a détruit, j’imagine, la peinture de Dumons avec les Capucins du Palais-Royal. — Et cependant Dumons avait fait tout ce qu’il fallait pour répandre et maintenir à Paris sa réputation de peintre d’histoire. Il exposa aux Salons de 1737-38-40-42-46-47-51 et 53, des tableaux sacrés et profanes, la plupart d’assez grande dimension, des saints François, des saints Louis, le Baptême et la Résurrection du Christ, Joseph et Putiphar, Loth, Bethsabée, sainte Anne et la Vierge, des Vestales, des Fleuves et des Naïades, Vénus et l’Amour, Lucrèce, tout ce que peignaient les Lemoine et les Vanloo, de son temps. C’est dans l’église de Montreuil-sur-Mer qu’il faut aller aujourd’hui pour étudier à l’aise le talent de Dumons. Ern. Prarond m’y a signalé neuf grands tableaux décorant les entre-fenêtres de cette église : 1° Une Annonciation (peint par Jean-Joseph Dumons, peintre ordinaire du Roy, en 1762) ; — 2° la Naissance de Jésus-Christ ; — 3° un Roi dans un temple adorant une couronne d’épines devant un évêque debout (c’est, à n’en pas douter, le saint Louis exposé en 1747) ; — 4° une Assomption ; — 5° l’Apparition en jardinier de Jésus-Christ ressuscité ; — 6° une Fuite en Égypte ; — 7° Jésus enfant sur les genoux de la Vierge; saint Joseph est à genoux, un ange se voit dans le haut du tableau ; — 8° Jésus-Christ chez Nicodème ; — 9° une Visitation. » Quant au Fagon dont on trouve le nom au verso du brevet, il faut reconnaître en lui le même M. Fagon, intendant des finances, qui, voyant avec regret l’espèce d’anéantissement où était tombée la manufacture de Beauvais, créée par le grand Colbert, autorisa, par lettres patentes du 23 mars 1734, M. Oudry (2) et M. Besnier, son associé , à rétablir cette manufacture , moyennant un bail de vingt ans. On doit croire que c’est le même intendant Fagon qui avait provoqué, trois ans plus tôt, les lettres patentes de J.-Jos. Dumons. Les services que celui-ci avait rendus à la manufacture d’Aubusson avaient été assez éclatants et assez bien appréciés, puisque je trouve qu’il fut nommé directeur de la manufacture de Beauvais, — sans doute après la mort d’Oudry, arrivée en 1755. » PH. DE CHENNEVIERES. Nous avons cru pouvoir déroger à l’usage que nous nous sommes prescrit de ne publier que des travaux inédits, tant en faveur de l’intérêt spécial qui s’attache à cette notice, qu’en considération du mérite si distingué de l’écrivain auquel nous la devons. (1) Nous nous proposons de publier dans un de nos prochains Bulletins le document qui doit faire suite à cette notice, déjà par elle-même si intéressante pour l’histoire de la vieille et belle industrie d’Aubusson. Copie de ce brevet nous a été obligeamment offerte par M. de Montéglon, bibliothécaire à l’Arsenal, dont la complaisance est aussi bien connue que le savoir. (2) Fagon connaissait Oudry pour l’avoir fait travailler à sa terre de Vauré et à sa maison de Fontenay-aux-Roses. Cf. Abecedario , t. IV, p. 66, et Mémoires des Académiciens, t. H , p. 37S.
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