Ah ! Rien qu’à mon nouveau titre, je vois déjà les camping-cars de chercheurs d’or se diriger vers notre ville et les détecteurs de métaux cliqueter dans nos rues ! Pas de précipitation, c’est une fois de plus d’Histoire dont il s’agit et d’histoire liée à la Seconde Guerre Mondiale.
Partons d’abord un peu loin de chez nous, à 1800 kilomètres environ.
Dès le printemps 1939, les menaces d’Hitler contre la Pologne inquiètent à la fois la population et les institutions polonaises. Certains prennent les devants. Ils ont comme exemple l’annexion récente de la Tchécoslovaquie mal préparée face à l’envahisseur.
À Cracovie, l’ancienne capitale des rois de Pologne, les responsables du musée au Château royal de Wawel préparent un plan d’évacuation. Leurs collections sont le résultat de vingt ans de recherche et de récupération d’œuvres qui sont le cœur de l’identité polonaise éparpillées au cours des découpages passés du pays. Des partitions de Chopin, une des premières Bibles de Gutenberg, l’épée Szczerbiec qui couronne depuis des siècles les rois de Pologne, des manuscrits, entre 120 et 300 tapisseries (certains estiment visiblement très différemment le trésor), des centaines de coupes en or et en argent, des sabres, des armures, etc, la collection est immense et pour la protéger, il faut déjà faire une sélection.
300 objets, les plus précieux de la collection, sont choisis par deux conservateurs du musée, Jozef Polkowski et Stanislaw Zaleski. Un ferblantier fabrique une vingtaine de gros coffres robustes et sept longs tubes de métal pour protéger les 120 tapisseries flamandes.
Le 1er Septembre 1939, les Allemands envahissent la Pologne. Polkowski et Zaleski deviennent les gardiens du trésor, ils en organisent l’évacuation rapide d’abord par bateau, une barge à Charbon trouvée dans la précipitation, vers la Roumanie puis dans des chariots tirés par des chevaux. En Roumanie, la Pologne n’existe déjà plus, Hitler et Staline l’ont partagé.
Personne ne veut prendre la responsabilité du Trésor, Hitler demande au gouvernement roumain la restitution de celui-ci et même le Pape ne veut pas en assurer la protection … Le gouvernement polonais en exil en France ordonne qu’on y apporte le trésor.
Un nouveau périple en train, bateau, s’engage jusqu’à l’arrivée à Marseille le 8 janvier 1940.
C’est de Marseille que le trésor voyagera jusqu’à Aubusson. Le Train n’est pas chauffé, à l’arrivée, il fait -17 degrés. Polkowski souffre de gelure aux pieds et l’on craint pour le trésor. Le gouvernement en exil et les autorités françaises choisissent ce lieu car le Mobilier National a déjà mis à l’abri un certain nombre d’œuvres à Aubusson. Le trésor polonais rejoint ces œuvres. On les déballe pour en faire l’inventaire et l’on découvre que les tubes protégeant les tapisseries sont fendus par endroits, que de l’eau est entrée et qu’elle a gelé, provoquant des dommages.
L’équipe du Mobilier National présente sur place offre de réparer ces dégâts et de nettoyer les moisissures qui se sont développées à cause de l’humidité. Les deux conservateurs polonais soulèvent un débat sur les matériaux employés : l’un, Polskowski, est de l’école Russe et ne veut pas de matériaux modernes ou techniques nouvelles ajoutés, l’autre est de l’école autrichienne plus libre dans les interventions. C’est l’école russe qui prévaudra dans le travail du Mobilier National. Le travail fait est remarquable et le gouvernement polonais en exil en paie les dépenses. On peut noter, pour la petite histoire, que ce gouvernement est réfugié à Angers.
Le trésor reste pendant 4 mois à Aubusson au cours desquels Polkowski et Zaleski peuvent souffler entre Paris, Angers et Aubusson.
La suite ?
Les Allemands entrent dans Paris et la cavale reprend : Londres puis le Canada où il aura fallu attendre la mort du premier Ministre Duplessis pour que le trésor soit rendu à la Pologne, 22 ans après le début de leur périple.
Un vrai scénario de film, une belle histoire à raconter … on en retiendra évidemment le passage dans nos contrées, comme une respiration pendant quelques temps, de deux conservateurs passionnés et d’un trésor que l’on a su, par l’expertise de restaurateurs, sauvegarder au mieux.
Références :
Livre :
« The Strange Odyssey of Poland’s National Treasures, 1939-1961 » , Gordon Swoger, Ed. Dundurn Press, 2004
Sites Internet :
L’étrange cavale des trésors polonais au Québec
Le périple du Trésor de Wawel vers le Canada
Le trésor de la Pologne en Roumanie
Duplessis et les trésors qu’il refusait de restituer à la Pologne
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