Nous avons vu une carte postale des bains-douches d’Aubusson. La construction de ces bains était une petite révolution sociale. Pour la mesurer, voici un article de Léo Moluçon tiré du Mémorial du 17 Septembre 1927 à l’occasion de l’inauguration de ces bains.
Depuis bien des années, les aubussonnais entendaient parler de la construction de bains-douches à Aubusson. Voici un an déjà que cet établissement est ouvert, mais puisque il est question de son inauguration, faisons comme si le projet venait seulement d’être réalisé, projet qui par sa lenteur du reste nous a longtemps paru comme une conception chimérique, et éprouvons à nouveau le sentiment agréable d’infliger, par les faits, un démenti formel aux éternels sceptiques.Je m’en voudrais, croyez-le bien, de venir estomper ici un article, néanmoins, je vous demande la permission de vous dire quelques mots sur la signification de cette œuvre sociale, vous dire quelles réflexions s’imposent à ma pensée.
Le bâtiment qui sera inauguré dimanche est l’œuvre de tons. Au point de vue social, la Caisse Nationale d’Epargne est une belle institution qui, comme toute œuvre humaine, n’est pas exempte d’imperfection, convenez cependant que j’aurais mauvaise grâce à les rechercher aujourd’hui. Je ne veux que voir qu’elle rend possible des réalisations philanthropiques. L’épargne ouvrière, quoiqu’il paraisse, est une force, puisque administrée utilement elle permet au lieu d’enrichir encore davantage de richissimes banques particulières, de faire une œuvre féconde, de construire des bains-douches, de contribuer au progrès social par des emplois pratiques de ses fonds, de faire enfin le bonheur de tous par l’utilisation intelligente des économies populaires.
Et c’est là, je crois bien, le fait le plus important, il nous est agréable, très agréable, de voir notre ville pourvue d’un établissement de bains-douches, mais nous devons nous réjouir bien plus en pensant que de tels avantages ne nous sont permis que grâce à une sorte de banque sociale qui sait employer, dans l’intérêt général, les fonds que lui confient les particuliers.
Je ne voudrais pas m’ériger en censeur et rechercher avec satisfaction ce qu’on pourrait faire, au lieu de constater avec plaisir ce qu’on a fait. Aussi ce qui sait n’est pas une critique déguisée, c’est, je vous l’ai déjà dit, le rêve que chacun peut faire lorsqu’il s’aperçoit qu’il n’est pas irrémédiablement enfoncé dans l’ornière, le devoir de réaliser n’existe qu’en fonction du droit d’espérer. Et je souhaite que des réformes sociales viennent compléter le plus tôt possible celle des bains-douches.
Tout d’abord, devant l’œuvre féconde de la Caisse d’Epargne s’opposant à la stérilité des capitaux confiés aux banques privées, je crois que le devoir de chacun est d’appeler de tous ses vœux le monopole des banques, de désirer voir la Nation administrer les fonds qui lui sont confiés ; cela serait plus profitable pour tous.Pour envisager maintenant des réformes moins lointaines, plus facilement et plus rapidement réalisables, je désire que bientôt la prospérité de la Caisse d’Epargne soit assez grande pour permettre la distribution de bons gratuits aux écoliers nécessiteux. C’est en inculquant à l’enfant le goût de l’hygiène qu’on le donne pour jamais à l’homme.
Je voudrais qu’au plus tôt il soit possible de trouver les fonds nécessaires pour renforcer ce moyen de lutte contre la maladie en instituant des colonies de vacances pour les pauvres enfants, blêmes et maigriots, que guette ou qu’a déjà frappé la terrible tuberculose.
Dans l’admirable poème de Gustave Charpentier, dans « Louise », une petite ouvrière, qui n’est jamais sortie de sa mansarde de Montmartre, poussa ce cri qui doit résonner au fond de tout cœur humain : « Est-ce que le soleil ne devrait pas être à tout le monde ? ».
La réalisation de la Caisse d’Epargne nous montre que cela est possible. Il faudra qu’un jour vienne où la propreté, la lumière et dans une certaine mesure la santé ne soient plus des avantages interdits à certains. Et j’attends ce jour, je suis sûr qu’il viendra, grâce à l’harmonie de ceux qui souffrent. Grâce à l’entraide des humbles. Grâce à l’épargne ouvrière que je salue aujourd’hui comme un artisan puissant de réformes démocratiques et de progrès social.
Léo MOLUÇON.
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