Les réseaux sociaux sont décevants… mais utiles.
Depuis longtemps, j’ai un rapport ambivalent avec les réseaux sociaux. J’ai longtemps été un énorme addict, développant mon association d’édition de bandes dessinées via Facebook et des contacts de dessinateurs ou de clients dans le monde entier, m’ouvrant aux réseaux d’enseignants et de formateurs grâce à Twitter, entrant dans le libre de Mastodon et testant toute nouvelle interface. Aujourd’hui j’y vais, j’y reviens, je m’en éloigne de plus en plus face aux dérives de la désinformation, des bots, brouteurs, IA et autres inhumanités . À chaque fois, la même impression : beaucoup de bruit, d’agitation, de polémiques… et finalement plus autant de profondeur. L’illusion de l’échange se heurte vite à la réalité des algorithmes et du défilement sans fin.
Mais il m’est arrivé de repenser à ce qu’ils apportent malgré tout : une interface simple pour écrire, partager, retrouver des choses dans le temps. Et là, une idée s’est imposée : pourquoi ne pas détourner le modèle d’un réseau social pour soi-même, seul ?
Une timeline rien qu’à moi
J’ai donc bricolé une petite application en HTML, toujours avec mon assistant développeur et un prompt assez basique, sur le principe de “c’est l’idée qui compte” : Une sorte de SoloSocial, avec les mêmes codes, les mêmes automatismes, le même côté instinctif. Pas de serveur, pas de compte, pas de « like » au compteur. Juste un champ pour écrire un post, un bouton pour enregistrer, un fil chronologique où tout s’empile et la possibilité de retrouver des choses par tags.
Et ben… ça marche étonnamment bien :
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Quand j’ai besoin de me défouler, au lieu de l’écrire sur X ou Bluesky et de l’effacer, je tape un message sur Solosocial.
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Quand je veux garder un lien, je le colle et il reste dans ma timeline.
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Quand une idée me traverse, je la note en vitesse, comme on le ferait sur Twitter… sauf qu’ici je n’attends aucune réaction.
Ce « faux réseau social » devient une mémoire discrète, intime. Et contrairement à un carnet papier, je peux réorganiser, retrouver, éditer. C’est un mélange entre journal personnel, bloc-notes et répertoire de signets.
Quand l’outil devient pédagogique
En formation, on peut imaginer tester ce principe avec des apprenants. Et là, c’est intéressant : le modèle du réseau social est déjà connu de tous, même des plus novices en numérique. On retrouve des boutons, une timeline, une logique familière. Mais en le réduisant à l’essentiel, on enlève la peur de « publier devant tout le monde ».
Un tel outil, installé sur le bureau de l’ordinateur personnel, de la tablette, peut alors servir de :
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journal de bord, le fameux portfolio d’apprentissage, pour noter ses apprentissages, ses réussites et ses difficultés ;
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carnet de ressources pour coller des liens utiles (vidéos, articles, tutoriels) ;
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outil réflexif pour comprendre les usages : « qu’est-ce qu’un réseau social fait de mes données ? », « qu’est-ce qui change quand c’est privé ? ».
Et il y a même une variante intéressante, pas du tout anticipée mais que je n’ai découvert qu’à l’usage : le réseau partagé.
En classe, en famille ou dans un atelier, si plusieurs personnes utilisent le même ordinateur et le même navigateur, elles partagent le même « mur » local. Ce qui se transforme en un petit réseau collectif improvisé : chacun peut poster, lire les autres, commenter. Pas besoin de connexion ni d’inscription : c’est le navigateur qui fait office de serveur minimaliste.
Dans le cadre de formation contre l’illectronisme ou médiation numérique, (Oui j’en parle depuis 2018 !), c’est l’outil qu’il nous manque pour initier aux réseaux sociaux.
Sur le plan technique, vous retrouverez des fondamentaux et en cas de changement d’ordinateur, de classes, de formations, j’ai ajouté une fonction d’export/import pour pouvoir retrouver les messages passés.
On peut donc décliner quelques objectifs pédagogiques possibles avec cet outil :
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S’initier à la publication numérique
- Comprendre les logiques d’un fil chronologique (post, édition, suppression).
- Se familiariser avec une interface inspirée des réseaux sociaux.
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Développer des compétences en expression écrite
- Rédiger des messages clairs et synthétiques.
- Structurer ses idées sous forme de notes ou de mini-articles.
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Utiliser le numérique comme support de mémoire
- Prendre des notes en direct pendant un cours ou une activité.
- Retrouver et organiser des ressources (liens, références, idées).
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Travailler la collaboration et le partage
- Expérimenter un « mur collectif » quand l’outil est partagé sur un même ordinateur/navigateur.
- Confronter ses écrits à ceux des autres dans un cadre sécurisé.
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Développer l’esprit critique face aux réseaux sociaux
- Comparer un usage privé/local avec les logiques des réseaux sociaux commerciaux.
- Questionner la notion de données personnelles et de contrôle de l’information.
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Encourager la réflexivité
- Tenir un journal de bord numérique pour suivre sa progression.
- Identifier ses réussites, ses difficultés, et ses stratégies d’apprentissage.
On peut même décliner ces objectifs selon les niveaux de Bloom :
- Mémoriser : retenir le fonctionnement basique d’un réseau social.
- Comprendre : expliquer la différence entre un outil privé/local et un réseau public.
- Appliquer : utiliser l’interface pour noter ou partager une ressource.
- Analyser : comparer les avantages et limites de ce système.
- Évaluer : juger de l’efficacité de l’outil dans son apprentissage.
- Créer : proposer des usages détournés (journal collectif, carnet de projet, mur de classe).
Détourner pour apprendre ?
Alors oui, les réseaux sociaux m’ont déçu, ce ne sont plus que bulles de filtre et outils de propagandes diverses. Mais paradoxalement, en en isolant le squelette — une suite de posts, un fil chronologique, quelques boutons — cela garde toujours cette vraie utilité. Est-ce qu’elle est toujours sociale sur un Solosocial ? Dans le sens où elle aide à ce que je trouve ma place dans la société (et à moins m’énerver en public 😉 ), oui. Dans l’idée qu’elle peut enseigner, grâce au principe de réseau partagé local, une bonne façon d’utiliser ces réseaux, oui.
Individuellement, c’est une mémoire numérique simple et libératrice. Collectivement, c’est une occasion pédagogique : comprendre les logiques sociales, expérimenter un outil, réfléchir à ce qu’on veut garder ou partager.
Peut-être qu’au fond, l’utilité cachée des réseaux sociaux est là : ils nous donnent un langage visuel et interactionnel que l’on peut détourner, réinventer, réutiliser à notre façon — loin des algorithmes, mais proche de nos besoins.
Le fichier html est ici, sous Licence CC BY-NC-SA (Attribution – Utilisation non commerciale – Partage dans les mêmes conditions 4.0 International)
Si vous le testez en ligne, les messages s’enregistrent dans votre navigateur et ne seront pas vus par d’autres. L’intérêt, c’est de le télécharger en local. Vous pouvez le télécharger en faisant un clic droit sur le lien et choisir “enregistrer le lien sous” puis le placer où vous voulez sur votre ordinateur. Un clic sur le fichier l’ouvrira dans votre navigateur préféré. Si vous avez un souci avec la technique ou l’usage, n’hésitez pas à me laisser un commentaire.
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