Bon alors l’IA en formation, on en fait quoi ?

C’est les vacances, on a le temps de lire et de réfléchir (un peu, parce que là, il fait chaud quand même…) alors si on en profitait pour suivre un de nos fils préférés : l’IA en formation. Il y a quelques années encore, l’intelligence artificielle n’était qu’un sujet de colloques, de laboratoires spécialisés et de dinosaures du web qui suivaient les tendances (Mon premier article dessus date de deux et demi, déjà !!). Aujourd’hui, elle s’installe dans les salles de formation et bouleverse la manière dont nous concevons l’enseignement, qu’il s’agisse de formation initiale, continue ou d’andragogie. Dans ce contexte mouvant, une question se pose avec une certaine urgence : devons-nous la considérer comme une simple évolution, une révolution… ou une révolution dont il faut se méfier ? On va regarder un peu ce que disent les spécialistes du domaine.

Entre promesses et inquiétudes

Les arguments en faveur d’une intégration enthousiaste ne manquent pas. L’IA permet déjà de personnaliser les parcours de formation, de générer rapidement des supports adaptés aux besoins de chacun, d’offrir des retours immédiats aux apprenants, et même de simuler des situations pédagogiques difficiles à reproduire en présentiel. Dans certaines expérimentations, comme en Suisse avec des tuteurs virtuels basés sur GPT-3, on a observé une amélioration notable des résultats d’examen, parfois supérieure à quinze points percentiles (arxiv.org). Ces avancées confirment une conviction exprimée par Ginni Rometty, ancienne PDG d’IBM : « I’ve always felt the purpose of Artificial Intelligence is to augment humanity » (linkedin.com). L’IA, bien utilisée, n’efface pas le rôle de l’humain, elle l’amplifie.

Mais intégrer l’IA, c’est aussi reconnaître que la formation ne se résume pas à délivrer de l’information. L’expérience pédagogique repose sur un lien, une interaction, une capacité à sentir ce qui se passe dans une salle ou derrière un écran. Salman Khan, fondateur de Khan Academy, une de ces géniales plateformes de cours ouverts à tous qui déjà ont bousculé en leur temps l’éducation, insiste sur cette dimension : « AI is not here to steal the show from teachers; it’s here to help teachers steal the show » (thetimes.co.uk). L’IA peut devenir un partenaire invisible qui libère du temps pour renforcer ce lien humain. Elle peut aussi aider à sortir de formats figés en soutenant la créativité des formateurs.

Cependant, cet enthousiasme ne doit pas masquer les zones d’ombre. L’un des risques majeurs est la perte progressive de certaines compétences cognitives si l’IA devient une “machine à réponses” sur laquelle on s’appuie sans esprit critique. Leah Belsky, responsable éducation chez OpenAI, met en garde : les apprenants doivent être encouragés à utiliser l’IA comme un outil d’apprentissage, et non comme un raccourci intellectuel qui évite l’effort (businessinsider.com). Cette question est centrale : comment garantir que la facilité d’accès à l’information ne se traduise pas par une paresse de la réflexion ? J’ai déjà vu des tas d’apprenants se contenter de fournir la réponse d’une IA à certaines demandes. Dommage pour eux, je teste toujours plus qu’eux et, avec cette longueur d’avance, je suis en capacité d’orienter mes demandes pour que ce ne soit jamais aussi simple.

S’ajoutent à cela des problématiques plus structurelles : les biais inhérents aux modèles d’IA, leur opacité, la protection des données personnelles, et la fracture numérique entre ceux qui ont accès à ces outils avancés et ceux qui en sont privés. Les établissements qui n’ont pas les moyens de financer des solutions performantes risquent de voir s’accroître l’écart avec ceux qui peuvent les déployer. On vient par exemple de me demander une formation IA sur une structure qui se contente des modèles gratuits. Je me retrouve obligé de marquer la différence et d’expliquer que c’est en capacité de créer une fracture. Dans un monde où, comme le souligne Karim Lakhani, « humans with AI will replace humans without AI », l’inégalité d’accès devient un enjeu autant social que technologique (linkedin.com).

C’est là qu’intervient la dimension éthique et stratégique de l’andragogie moderne : intégrer l’IA, oui, mais en formant d’abord celles et ceux qui l’utiliseront. Ayo Jones, spécialiste de l’innovation pédagogique, recommande un déploiement progressif, pensé comme une construction patrimoniale : commencer par comprendre l’outil, réfléchir aux usages les plus pertinents, et ne pas céder à la mode du “tout IA” sans cadre (techlearning.com). L’objectif est double : garantir un usage raisonné et permettre à chacun de développer des compétences transférables, y compris dans un monde où l’IA évolue vite.

Les certitudes au milieu des doutes

On peut d’ores et déjà affirmer que l’IA ne disparaîtra pas du paysage éducatif. Elle deviendra, tôt ou tard, un outil aussi banal que l’ordinateur ou le projecteur dans une salle de formation. Elle permettra d’analyser des masses de données pédagogiques, de proposer des supports adaptés, et même d’évaluer plus finement les progrès des apprenants.

Il faut donc accepter que l’IA ne change pas seulement les outils, mais aussi notre rapport à l’apprentissage. Ben Mann, cofondateur d’Anthropic, a eu cette phrase qui résume bien la bascule culturelle en cours : « Il y a vingt ans, j’aurais inscrit ma fille dans les meilleures écoles. Aujourd’hui, je pense que cela n’a plus d’importance. » Le prestige institutionnel n’est plus le seul garant de la qualité d’une formation ; Le savoir et la connaissance sont à la portée de tous, la mémoire est externalisée et, si l’on reste sur des bases traditionnelles, on est autant décalé que quand je regardais STAR TREK avec l’idée qu’un communicateur universel dans la poche, c’était vraiment de la Science-fiction.

Aujourd’hui, le futur est incertain et la capacité à apprendre de manière autonome, à évaluer l’information et à s’adapter devient le véritable critère de réussite.

Alors, que fait-on de l’IA en formation ? On l’apprivoise, comme on le ferait avec un outil puissant mais exigeant. On en exploite la force pour enrichir les parcours, tout en conservant l’essence de ce qui fait la valeur d’un formateur : l’écoute, l’adaptation, le sens du contexte et la capacité à inspirer. Car si l’IA peut générer des phrases parfaites, elle ne pourra jamais remplacer ce moment où un formateur, en observant son groupe, décide de changer complètement de plan pour saisir une opportunité d’apprentissage… et ça, c’est encore 100 % humain.

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