Des sorciers dans la salle de formation ?!
Imaginez : vous arrivez dans une salle de formation. Le formateur sourit (un peu trop). Il vous annonce : « Parmi vous se cachent des sorciers et des sorcières. Votre mission sera de les démasquer avant la fin de la journée. »
Silence. Quelques regards gênés. Un ricanement nerveux. Et hop, la machine à suspicion est lancée. Sauf que… il n’y a aucun sorcier. Pas un seul. En distribuant ses petits papiers qui cachent un rôle, le formateur n’a désigné personne. Il a juste créé un doute, celui que certains ont des pouvoirs, des possibilités que tous n’ont pas. Ce sont vos regards, vos interprétations, vos biais qui vont inventer la sorcellerie là où il n’y avait rien. Le formateur peut mettre de l’huile sur le feu, en “convoquant” certains apprenants au long de la journée, en mettant en avant une action. Cet atelier, que j’appelle Le Jeu des Sorciers, est une petite bombe pédagogique. Il met en lumière la mécanique implacable de la suspicion, de la rumeur et du fameux bouc émissaire. Et c’est à la fois drôle (parce qu’on voit naître des théories complotistes en direct live) et glaçant (parce qu’on se rend compte que ça fonctionne exactement comme ça… dans la vraie vie).
L’idée n’est pas de moi, j’ai vu passer un post LinkedIn qui parlait de ce genre de propositions (Si c’est vous, laissez votre contact en commentaire, j’ajouterais un lien). J’ai juste conceptualisé la proposition pour l’inclure dans le cadre d’une de mes formations pour adultes.
Pourquoi un atelier sur la suspicion ?
Parce que dans un groupe, tout se joue dans les regards, les silences, les interprétations. Un collègue fatigué devient “bizarre”. Une blague mal reçue fait naître un soupçon. Et très vite, on tisse des histoires autour de l’autre sans qu’il ait rien demandé. Créer en début de formation, les conditions d’un Statu Quo sur ce genre de doutes sur l’autre me parait essentiel parce que c’est un des principaux éléments perturbateurs en sein des apprenants : “Il est pas comme les autres” devient vite “C’est un problème“.
Le Jeu des Sorciers, c’est une mise en scène simple mais efficace pour désamorcer ça :
- Pas de matériel complexe.
- Pas besoin de déguisements ni de baguettes magiques.
- Juste une consigne fausse mais crédible.
Et ensuite, laisser la nature humaine faire le reste (Aahhh !! mais faut pas !!!).
Déroulement de l’atelier
1. Mise en situation
Le formateur annonce qu’il y a des sorciers. Il fait semblant de distribuer des rôles secrets… mais en réalité, personne n’a de rôle. Chacun est persuadé que les autres cachent quelque chose.
2. Observation en continu
Pendant la journée, tout comportement devient suspect : un sourire trop long, une absence prolongée aux toilettes, une réponse à côté de la plaque… Bref, chacun se transforme en inquisiteur amateur.
3. Le tribunal final
En fin de séance, chaque participant doit désigner publiquement un sorcier et justifier son choix.
Et là, c’est festival :
- “Il a pris trop de notes, ça cache quelque chose.”
- “Elle n’a pas ri à la blague, donc elle est louche.”
- “Il m’a regardé de travers à la pause-café, c’est sûr, il est sorcier.”
4. Révélation
Le formateur lâche la vérité : il n’y avait aucun sorcier. Stupeur, rires, parfois malaise. Le groupe réalise qu’il a construit tout seul ses monstres.
5. Débriefing
C’est le moment fort. On discute :
- Qu’est-ce qui a déclenché vos soupçons ?
- Comment vous êtes-vous senti quand on vous a désigné ?
- Quelles émotions ont émergé (injustice, amusement, malaise) ?
- Quels parallèles avec la vraie vie : rumeurs au travail, discriminations, exclusions ?
Structure pédagogique de l’activité
Objectifs pédagogiques
- Réfléchir aux mécanismes de suspicion et de stigmatisation.
- Développer l’esprit critique face à ses propres jugements.
- Favoriser la cohésion et l’ouverture d’esprit dans le groupe.
- Avoir sous la main la possibilité de désamorcer un conflit en rappelant ce jeu.
Durée
Tant que vous voulez, une journée au mieux, si ça ne prend pas sur un jour, faites durer
Matériel
Un tableau ou paperboard pour noter les accusations. C’est tout.
Compétences mobilisées
- Observation et analyse.
- Argumentation.
- Communication et réflexion éthique.
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