Cartographie de controverse : “l’évaluation des apprenants”

Dans un article précédent, j’ai commencé à présenter mon parcours sur le MOOC Transition éducative. Ce MOOC comporte un Parcours “émergence de projet” basé sur la construction d’une cartographie de controverse. Cette méthode a été développée face à l’incertitude grandissante et l’évolution galopante de nos mondes, afin de trier, classer des sources d’expertise sur un domaine pour se donner des critères de choix, de prise de décision ou simplement s’informer en toute clarté. C’est une technique qui se base sur l’utilisation créative d’outils numériques d’analyse et représentation (Youhou ! des outils à tester … 😉 ).

Ce travail a du sens pour de futurs citoyens qui cherchent à explorer et visualiser la complexité des débats publics, noyés dans un internet parfois désinformant par la masse et il répond particulièrement à des questionnements que je peux avoir dans ma pratique professionnelle, notamment sur la transmission de cette capacité à repérer des éléments et critères de choix via les réseaux.

Je vais en préalable préciser que les lignes qui suivent n’ont pas valeur d’exemple dans la méthode de la cartographie de controverse mais qu’elles ne sont que le reflet du parcours d’un apprenant, face à ses tests, ses interrogations, dans le cadre d’un MOOC. (On copie pas, on pourrait avoir une mauvaise note 😉 ).

Ce travail étant collaboratif, le groupe dans lequel j’ai été inscrit, par l’équipe pédagogique, a démarré un échange par mail posant 3 choix de controverses :

  1. L’écriture inclusive
  2. En quoi l’évaluation par compétences permet de faire évoluer les pratiques pédagogiques ?
  3. Comment assurer un parcours d’orientation qui soit efficient, réversible ou adaptable pour chacun selon ses habilités, acquisitions, expériences et maturités scolaires et/ou professionnelles ?

Ces choix ont été remis en cause par le premier live du MOOC avec Vincent Casanova qui pousse à simplifier le thème de controverse pour ouvrir le champ de possibles plutôt que de questionner de façon très directive et déjà orienté, un sujet.

Un padlet (outil visiblement bien intégré dans l’Education Nationale) de choix possibles à partir des questions posés est créé par une de mes collègues de groupe (voir ici). J’y répertorie quelques ressources et mes intérêts m’amènent naturellement à faire dominer les questionnements autour de l’évaluation.

Notre groupe n’ayant pas réussi à se motiver (Ah, le collaboratif dans un MOOC ! j’en ferais un article un jour) , je me suis décidé à avancer (presque) seul sur ce thème ouvert. Comme cela pouvait porter à confusion entre évaluation des enseignants et celle des apprenants, j’ai restreint à :

“L’ÉVALUATION DES APPRENANTS”

La première étape est la recherche de sources de controverses. Je stocke des sources, des études dans un nouveau Padlet : EVALUATION et j’y ajoute quelques liens permettant un travail préparatoire à la session suivante : des sources sur l’évolution de l’évaluation dans le temps.

(Une parenthèse sur la pérennité d’usage d’agrégateur de contenu tels que Padlet, Pinterest ou autre : cela me parait un risque puisque si le site origine change, si la ressource se déplace sur le net, elle n’est plus accessible et cela peut rendre le travail obsolète. Si des études vous sont essentielles, pensez à les récupérer sur un support personnel et pas seulement à en garder le lien).

Le foisonnement des études, thèses, textes institutionnels et d’experts en pédagogie me démontrent que ce thème est sensible et qu’il ne se traitera que superficiellement dans le temps du MOOC.

Ces données me permettent pourtant déjà de visualiser le fait qu’une multitude d’acteurs est concerné par ce sujet et que, clairement, parfois ils ne sont pas d’accord les uns avec les autres. De plus, les buts et besoins ne paraissent pas cohérents. Enfin, selon les époques, les choix institutionnels sur l’évaluation varient. Controverse ? Visiblement oui et même controverse(S).

Image Padlet

 Le second travail est celui de la création d’une ligne de temps : Quelle est l’origine de la controverse ? Comment s’est-elle développée dans le temps ?

Là, j’ai choisi de travailler dans un tableur et de regrouper les dates, périodes où l’on a discuté de l’évaluation et fait des choix institutionnels. Ce travail, très parcellaire car un peu individuel et réclamant des approfondissements, met déjà en lumière des retournements de position dans le cadre de l’évaluation.

Lien vers la Chronologie de l’évolution de l’évaluation des apprenants

image chronologie

Le troisième travail demandé est celui de la Cartographie d’acteurs concernés. Il n’y a pas de controverse là où il n’y a pas diversité d’acteurs. Dans le cadre de l’évaluation, ce n’est pas compliqué de se demander qui sont les acteurs prenant part à cette controverse puisque non seulement toute la communauté éducative est concernée mais aussi l’environnement social de l’apprenant. J’ai donc travaillé sur une carte mentale (avec Mindmeister, outil simple d’accès), en centrant l’évaluation et satellisant les divers acteurs concernés.

J’ai ensuite recherché et décliné les divers points de vue, besoins, choix posés par ces acteurs. L’arbre des débats est donc un croisement entre les ressources du Padlet et la cartographie des acteurs. Il liste les acteurs selon leurs points de vue et objectifs de l’évaluation. Il permet d’avoir une trace visuelle de la diversité de ces acteurs et des objectifs de chacun grâce à des liens vers des ressources internet institutionnelles, privées, médiatiques….

C’est là que se révèle les raisons des controverses concernant l’évaluation : ces objectifs ne sont pas coordonnés comme on peut le lire rapidement sur cet arbre et, sous ce mot “évaluation”, de nombreuses réalités, objectifs, fonctions se font jour, d’où le titre définitif (et oui, seulement maintenant, ce qui prouve bien qu’élargir le thème de départ était la bonne piste.) de ma controverse :

“L’ÉVALUATION DES APPRENANTS : un mot, des réalités différentes”

Un peu frustré par le manque de travail collaboratif, j’ai proposé à un groupe de stagiaires d’une action d’insertion professionnelle de travailler sur ce sujet et c’est eux qui m’ont apporté l’aspect externe à l’éducatif de l’évaluation : entreprise, société. La preuve qu’échanger avec les acteurs concernés apporte toujours des solutions.

Lien vers la cartographie des Acteurs de l’évaluation, incluant arbre des débats

Cela m’a permis un premier jet d’écriture d’une synthèse, qui pourrait (et devrait) servir de plan à un travail plus approfondi, en y ajoutant des citations des diverses sources par exemple :

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Synthèse du thème : “L’évaluation des apprenants : un mot, des réalités différentes.”
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Face à un monde en mouvement, de nombreux sujets sont abordés dans le débat éducatif. Un de ces sujets a longtemps fait l’unanimité sur sa fonction et ses méthodes : l’évaluation. Avec l’évolution de nos univers éducatif au sein d’un grand tout incertain, c’est devenu plus complexe aujourd’hui.

Étymologiquement « évaluer », c’est déterminer la valeur de quelque chose. L’évaluation a donc longtemps été considérée comme un classement, une sorte de tri des élèves en fonction d’une classe d’âge et d’un niveau chiffré et l’on a d’abord cherché avec cette mesure à atteindre des objectifs globaux.

Jusqu’au début des années 70, le but de l’évaluation a été de s’assurer que le travail des élèves corresponde aux exigences préétablies par le maître et le programme pédagogique : l’évaluation est normative.

Puis l’apprenant est devenu individu et que l’on a donc cherché à mesurer une progression individuelle par de nouvelles méthodes d’évaluation. Les termes changent, les adjectifs s’ajoutent : L’évaluation est pronostique, devient formative au cours des apprentissages ou sommative pour valider un niveau.

Sous ce mot se cache donc divers objectifs selon le contexte et les acteurs concernés. Les éléments de controverse se situent dans la diversité de points de vue et d’objectifs des acteurs concernés : Certains ont des objectifs de mesure globale alors que d’autres ont besoin de mesure individuelle.

Quels sont les acteurs concernés et quels sont leurs besoins spécifiques ?

Tous les acteurs de la communauté éducative sont partie prenante dans la notion d’évaluation des apprenants :

Les institutions mettent en place des évaluations face à des objectifs éducatifs, afin de mesurer la place d’une classe d’âge dans l’échelle des savoirs, acquisitions, compétences. Ce type d’évaluations est souvent purement statistique.

Les lieux d’éducation, représentés par leurs chefs d’établissement, sont partagés entre des demandes institutionnelles, hiérarchiques, le besoin de connaitre leur place sur le plan national et la réalité du terrain, le lien local. C’est le lieu où la controverse est la plus tendue car celui où les acteurs se confrontent et révèlent des besoins différents.

Les enseignants ont longtemps classé, trié les élèves entre eux puis individuellement. Aujourd’hui, ils utilisent l’évaluation pour faire un diagnostic préalable, pour mesurer l’évolution des acquisitions individuelles et remédier aux difficultés.

Les parents, par ce moyen et les retours d’évaluation chiffrés ou appréciations, mesurent l’avancée et les difficultés de leur enfant. C’est un besoin créé par antécédent : le rapport à la réussite étant souvent copié sur sa propre expérience, le besoin de « bonnes notes » est amplifié et l’incompréhension prédomine face à des nouvelles méthodes d’évaluation.

Enfin l’apprenant lui-même ne se définit parfois qu’en fonction d’un classement global même si on a tendance aujourd’hui à lui opposer l’évaluation d’une évolution personnelle.

On peut inclure à cette liste l’influence d’acteurs extérieurs : entreprises, administrations, associations … qui demandent l’évaluation de savoirs, de compétences afin que l’apprenant puisse s’intégrer dans une société plus large à la sortie de l’école.

Les médias et la presse reflètent dans le champ public à la fois les interrogations internes à l’école et les décisions gouvernementales sur ce sujet. En croisant cela aux études internationales, elles mettent en lumière les défauts du système, quitte à parfois, sensationnalisme oblige, exagérer le trait.
La médiatisation crée le trouble ou la controverse en ne différenciant pas les objectifs de chaque acteur.

Enfin les études internationales (PISA,…) mettent en lumière des écarts éducatifs entre pays.

Les controverses sur l’évaluation portent la plupart du temps sur un amalgame entre les diverses fonctions de l’évaluation selon les objectifs d’acteurs éducatifs ou externes.
Clarifier les objectifs et nommer précisément le type d’évaluation, plutôt que de regrouper ces rôles parfois très éloignés les uns des autres, permettrait d’éviter ces controverses.

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On voit donc que cette méthode est particulièrement efficace pour décrypter un jeu d’acteurs, institutionnels ou non, afin de faciliter des choix dans un monde incertain et en mouvement perpétuel.

A suivre donc.

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4 réponses

  1. Faten dit :

    Bonjour, je m’appelle Faten et je fais partie du groupe 1. J’ai apprécié particulièrement le récit de votre expérience. J’y ai pu déceler les difficultés que vous avez affrontées pour réaliser ce travail. J’ai vécu des moments pareils mais je crois que je suis un peu plus chanceuse que vous. Tous les membres de mon équipe font de leur mieux pour avancer. A votre place j’aurais poussé mon groupe à participer à ce travail par tous les moyens possibles car “peu importe la qualité du travail, les échanges sont beaucoup plus précieux”, c’est ce que j’ai pu déduire de cette belle expérience humaine.
    Je ne vous donne pas de leçon car je ne sais pas ce que vous avez enduré, j’ai voulu juste réagir selon mes convictions.
    Bon courage!

    • - dit :

      Bonjour, Merci de vos remarques.
      Tout d’abord “enduré” n’est pas le mot. Je pense comme vous que ce MOOC a été particulièrement intéressant, motivant et bourré de ressources et de méthodes.
      Pour ce qui est de l’aspect collaboratif, croyez bien que j’ai relancé plusieurs fois mais chacun s’investit à son niveau selon ses possibilités.
      Je reste d’accord avec l’idée que l’intelligence collective et le travail collaboratif sont précieux, j’ai la chance de les expérimenter ailleurs.
      J’ai donc privilégié l’acquisition d’une méthode même si je ne suis conscient que ce travail est partiel et qu’en collectif, il aurait été beaucoup plus loin.
      Bon courage à vous aussi.

  2. Grazcasa dit :

    Bonjour,

    Bon boulot. On sent comme même une certaine expérience et méthodologie. Pour ma part il y a de grands moments de solitude concernant le travail collaboratif , on m’envoi 2/3 infos et hop plus personne on attend que le boulot se fasse et puis quelques interventions qui me semble plus a demander des comptes alors que la participation est moindre et non exploitable à la controverse. Bref heureusement que j’ai la motivation naturelle et que je n’ai pas besoin d’être poussé.

    • - dit :

      On est donc plusieurs dans ce cas et on est pas encore dans l’évaluation par les pairs … souvent un grand moment des MOOCs. L’équipe pédago du MOOC a du penser que des inscrits volontaires allaient plus s’engager globalement au départ mais je pense que nous étions trop divers. L’important, c’est aussi d’avoir expérimenté les difficultés de ce travail collaboratif et compris que ce n’était pas si naturel que ça. D’où la proposition a posteriori de création d’une communauté d’apprenants. Dans un univers éducatif, aujourd’hui, ça parait un préalable de construire à partir de communs, pas facile mais à anticiper.

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