Quelques questions à Guillaume VILAIN sur le BIM

Bonjour Guillaume, votre livre « Le BIM sa mise en œuvre à l’heure du chantier numérique » fait référence dans le domaine.

En tant que spécialiste et pour nous descendants des maçons creusois, nous aimerions avoir votre point de vue sur cette façon de conceptualiser le bâtiment :

 – En un mot, ou deux, le BIM, qu’est-ce que c’est ?

Le BIM, “Building Information Modeling” qui se traduit par Modélisation des Informations (ou données) du Bâtiment, c’est tout simplement le concept de “jumeau numérique” appliqué au bâtiment.

Vous constituez une modélisation 3D qui correspond à l’état du bâtiment à chaque instant t, et ce, pas seulement pour la phase architecturale, mais bien durant toute le cycle de vie. Ainsi, toutes les évolutions du bâtiment (agrandissement, ouverture d’une fenêtre, modification des canalisations ou du réseau électrique…) sont (manuellement) répercutées sur la modélisation 3D afin qu’elle soit à jour.

La modélisation 3D ainsi constituée est utilisée comme le support d’une base de données contenant toutes les informations relatives au bâtiment. Il est ainsi très intuitif de consulter les informations techniques : par exemple si vous voulez télécharger la notice d’utilisation d’un radiateur, il vous suffira de cliquer sur le radiateur correspondant modélisé dans la maquette BIM.

– Quel est l’avantage de cette technologie par rapport aux anciennes méthodes ?

Les méthodes que vise à remplacer la modélisation BIM sont les piles de classeurs, les plans et les réunions de synthèse.

S’agissant des plans papiers, imaginez la difficulté que vous pouvez rencontrer pour retrouver une petite annotation sur une grande table où sont empilés un grand nombre de plans A0, pour lesquels vous ne savez pas dire avec certitude lesquels sont à jour et lesquels sont dépassés. Le passage aux plans numériques ont résolu ces problèmes d’une manière très incomplète (gros fichiers difficiles à lire, problèmes de licence logicielle, suivi de projet difficile…), comme le démontrent les incidents de terrain toujours présents en nombre

Les réunions de synthèse dans le bâtiment sont extrêmement chronophages, et parfois difficiles à vivre dans un contexte de surcharge de travail. De l’avis d’un grand nombre, la présence à ces réunions chronophages n’est parfois nécessaire en réalité que pour une intervention de quelques minutes sur une réunion de plusieurs heures, transport compris.

Sur le sujet du cycle de vie entier d’un bâtiment, imaginez pour le coté pro une énorme pile classeur. Si un jour vous avez envie d’une information présente sur un fiche technique présente dans un classeur, la seule vue de cette pile vous découragera à coup sûr d’une recherche longue et en réalité aux chances de succès loin d’être garanties. Du coté des particuliers, vous pouvez partir du principe que l’information n’a tout simplement pas été conservée.

Toutes ces informations sont référencées de manière fiable et intuitive dans le système d’information que représente la modélisation BIM.

– Comment avez-vous découvert cette technologie et qu’est-ce qui vous a décidé à vous y intéresser ?

Pour pouvoir fonctionner dans le monde du bâtiment, le système d’information du BIM doit respecter tous les acteurs de la filière quelle que soit leur taille et leurs moyens financiers. Le système d’information du BIM doit également être accessible à tous les utilisateurs du bâtiment qu’ils soient habitants, propriétaires ou simples usagers. J’ai ainsi tout de suite été conquis par la philosophie “citoyenne” du BIM, avec la mise en place concrète de systèmes de coopération numérique équitable qui sont à l’opposé de la réalité du web d’aujourd’hui, extrêmement centralisé et favorisant les inégalités.

Le BIM est construit sur le principe d’interopérabilité qui garantit à tous la possibilité de participer quels que soient ses outils. Je pense que si on appliquait ce principe au technologies du web, de nombreux problèmes éthiques et sociétaux seraient résolus ou significativement amoindris.

 – Comment les professionnels du bâtiment accueillent-ils cette technologie ?

Je pense qu’il existe une volonté sincère partagée par tous d’évoluer vers une pratique plus moderne de leur métier, avec moins de frustrations et de sentiments négatifs générés par de simples quiproquos ou par un manque d’information.

Le point particulier à avoir en tête absolument est la surcharge de travail que rencontrent beaucoup de professionnels du bâtiment. Cela peut freiner le passage au BIM sous le prétexte de l’impossibilité à trouver du temps pour cette évolution, et il faut bien voir que le système d’information du BIM permet surtout une meilleure utilisation du temps de travail.

Il faut aussi je pense ne pas trop se contenter d’un déploiement du BIM uniquement pour donner une image de modernité. Il ne faut pas oublier que ce qui compte, c’est la mise à jour de la modélisation BIM sur le long terme, ce qui nécessite une petite discipline.

– Quels sont les intérêts à sa mise en œuvre et y a-t-il des freins, législatifs, de temporalité, de compétences, etc.

L’usage et l’intérêt premier de la modélisation BIM réside dans le fait qu’elle constitue un système d’information très efficace et permettant de résoudre un grand nombre de coûteux problèmes rencontrés dans le bâtiment.

En effet, dans le bâtiment, il est souvent nécessaire de se rendre sur place, voire de réaliser un sondage dans les structures existantes, rien que pour obtenir l’information de ce qui existe, comment l’ouvrage a été réalisé et avec quels matériaux. Quand on chiffre le coût de ce manque d’information intrinsèque au milieu du bâtiment, on obtient rapidement des montants énormes et ce sont ces énormes montants qui justifient le BIM.

Le BIM est une technologie internationale promue par les décideurs institutionnels. Dans certains pays, le BIM est même obligatoire pour les marchés publics ! De plus, comme le BIM concerne tous les acteurs d’un chantier, le passage au BIM est parfois une obligation pour pouvoir travailler avec ses partenaires. Ainsi le BIM est par bien des aspects une vague immense qu’il faut juste prendre le temps de ne pas louper.

Au sujet des compétences, il faut savoir que la modélisation 3D BIM est simple par nature. La modélisation est en effet constituée “d’objets 3D” qu’on ajoute en un seul clic ! De plus, c’est normalement aux fabricants d’équipements de fournir l’objet modélisé correspondant à l’équipement qu’ils vendent, et il existe de vastes “bibliothèques d’objets” qui permettront de réaliser une modélisation intuitivement et rapidement.

– Pensez-vous que cette technologie est accessible à tout le monde et quel type de formation faut-il pour savoir la maîtriser ?

Le BIM est très accessible par bien des aspects. Un effort énorme a été porté à ce que le BIM soit ouvert au public le plus large possible. En effet, dans le principe le BIM doit pouvoir être utilisé par des petits artisans du bâtiment. D’une part, le process de modélisation a été conçu pour qu’il soit intuitif et rapide. L’effort de modélisation est partagé entre tous les acteurs d’un chantier. Le principe d’interopérabilité garantit la possibilité d’utiliser des outils logiciels abordables voire gratuits.

Il existe ainsi des formations courtes, certaines certifiantes, qui permettent d’acquérir rapidement les bases suffisantes pour participer aux projets BIM qui fleurissent partout en France.

Un point sur le graphe sémantique interactif

Vous êtes aussi spécialiste de la base de données orientée graphe et notamment d’une nouvelle technologie que vous développez à travers votre application « As Du Numérique » appelé le graphe sémantique interactif :

-Comment définiriez-vous cette technologie et quelle est sa principale différence avec les bases de données traditionnelles, notamment dans le champ des compétences ?

Le graphe sémantique interactif est la réunion de trois concepts déjà existants afin de réaliser un système d’accès à l’information révolutionnaire :

  • La base de données orientée graphe est une base de données où l’information est stockée de manière unitaire dans des “nœuds d’information”. La base de données contient également des “liens” qui relient les nœuds d’informations. Ce modèle s’oppose au modèle de la base de données relationnelle où les informations sont stockées dans des tables (les relations implicites qui, dans une table, lient la cellule à la ligne et à la colonne sont, dans un graphe, explicitées une à une par un « lien »)
  • Les bases de données orientées graphe permettent naturellement de renseigner des mots dans les « nœuds » d’information tout en explicitant les relations de sens entre ces mots dans les « liens ». On obtient ainsi un « graphe sémantique ».
  • On utilise ainsi le « graphe sémantique » comme une interface intuitive d’accès à l’information. L’utilisateur voit le graphe sémantique directement et la base de données se met automatiquement à jour de toutes les modifications réalisées par l’utilisateur, selon le principe « What You See Is What You Get ».

On obtient ainsi une structure d’information beaucoup rigide qu’un tableau (il n’est pas nécessaire de remplir tous les champs d’une ligne par exemple), et bien plus fonctionnelle qu’un document texte (on dépasse totalement le cadre linéaire – de haut en bas – propre au document texte).

-En quoi est-ce une technologie innovante ?

C’est une technologie innovante car il s’git ici d’un champ très peu investigué parmi les différents systèmes de recherche d’information.

Les systèmes actuels restent actuellement cantonnés soit à un format documentaire classique (un système de pages et de texte copie simplement ce qu’il est possible de faire physiquement avec un livre auquel on ajoute des liens hypertextes, quels qu’il soient) ; soit à des algorithmes de type intelligence artificielle qui vous proposent (ou imposent) le résultat d’un calcul dont vous ignorez presque tout.

A l’inverse, le graphe sémantique interactif propose une recherche transparente et intuitive où c’est l’utilisateur qui décide à chaque étape de la direction de recherche à prendre en fonction d’informations présentées et contextualisées de manière transparente.

La transparence et le fait qu’elle ne fait pas intervenir d’algorithmes « boîte noire » permet de répondre aux enjeux actuels d’éthique numérique.

-Pouvez-vous citer d’autres applicatifs de votre base de données ?

Plutôt qu’un nouveau modèle de base de données, le graphe sémantique interactif se comprends plus comme un nouveau type d’interface transparente.

Ce système peut s’appliquer à n’importe quel champ d’application car il est basé sur le sens des mots via le graphe sémantique. Cette interface peut ainsi englober tous les mots « métiers » – dans les nœuds – ainsi que toutes les relations spécifiques à cet environnement métier – dans les liens. C’est un système de recherche d’information transversal qui peut s’appliquer à n’importe quelle situation.

Ce système se démarque particulièrement des systèmes classiques lorsque ceux-ci arrivent à leurs limites, soit du fait d’une grande technicité des notions abordées, soit du fait de contraintes opérationnelles spécifiques. Par exemple, il est difficile de trouver de l’aide sur un sujet d’étude universitaire. De même, il est difficile de retrouver une information ancienne dans une pile de classeurs ou alors de vieux forums sur internet. A l’inverse il est également difficile de trouver quelqu’un pouvant nous aider dans l’urgence sur un sujet -légèrement – technique. Grâce à des fonctionnalités intrinsèques à la base de données orientée graphe, le système du graphe sémantique interactif répond à ces besoins.

 -Cette technologie peut-elle faciliter le quotidien des usagers et de quelle façon ?

 Cette technologie peut tout à fait être une aide dans le quotidien dans la mesure où :

– elle s’adresse à tous par un fonctionnement visuel et transparent tourné vers l’intuitivité

– permet de trouver automatiquement le plus court chemin entre un problème qui survient à un instant t, y compris les problèmes du quotidien, et la solution, et ce malgré un éventuel ’éloignement géographique

-Est-elle lourde à mettre en œuvre pour les structures qui l’utilisent ?

 Cette technologie est très peu gourmande en ressources informatiques, et ce en particulier par rapport aux moyens humains et informatiques nécessaire à la mise en place et le maintien de l’intelligence artificielle. L’intuitivité visuelle sur laquelle est basée cette technologie diminue également l’effort de formation nécessaire.

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