Vous vous souvenez qu’il y a quelques temps, j’ai testé ChatGPT sur une pseudo fable de la Fontaine, la fameuse “Le Lapin et les Carottes” ? Une plongée dans l’IA qui supprime déjà des milliers d’emplois et à laquelle on peut faire confiance comme à mon chat (Ne jamais faire confiance aux chats : je rappelle que leur but est de conquérir le monde). Nous avions pu voir que l’IA était tout à fait capable d’inventer une réponse “plausible” afin de contenter son interlocuteur.
Cela devrait entrainer un changement de posture pour certains formateurs/enseignants qui sont restés coincés dans le passé : Au lieu de transmettre des certitudes, enseignons le doute car plus rien n’est sûr dans notre monde : ni les images, ni les vidéos, ni les textes et encore moins les réponses d’algorithmes qui ont pour source des milliards de données amassées par des … êtres humains. Rien que la source devrait nous alerter. En ce sens, je me permet de remettre en lumière l’acronyme VUCA qui fait écho à une société volatile, incertaine, complexe et ambiguë telle que nous la vivons (et dont je parlais déjà en 2018.) Pour être capable de faire face à cela, et ne pas tomber dans un extrémisme destructeur pour tous, poussé par une désinformation toxique, il est essentiel de prendre conscience que les vérités d’aujourd’hui sont fluctuantes et que se garantir de cela, c’est être capable de douter face à une affirmation, ne pas rester seul devant et échanger pour se faire une idée de ce que l’on veut comme vérité pour le monde de demain. Parce qu’enseigner, c’est surtout construire les valeurs de ce monde futur ensemble.
Je reviens à mon titre. Nous sommes face à une bataille d’IA. Chaque grand du numérique veut son modèle pour la maitrise des mondes virtuels .. et réels. Après OpenIA, Goole lance Google Bard, une IA en accès direct. J’ai donc reproduit mon test : Lui demander la morale d’une fable de la Fontaine qui n’existe pas. Et bien, malgré l’idée que ces machines évoluent vite, même résultat. L’IA, qui va nous remplacer dans nos emplois, affirme immédiatement que la morale est claire : l’envie est un défaut nuisible. Alors oui, c’est pas faux mais une réponse du type : “Cette fable n’existe pas” aurait été plus valide dans le contexte, d’autant que l’IA ajoute quelques morales au passage.
La réponse de Bard :
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Peux-tu me donner la morale de la fable ” le lapin et les carottes” de Jean de la Fontaine ?
La fable “Le lapin et les carottes” de Jean de La Fontaine enseigne que l’envie est un défaut nuisible. Le lapin et l’écureuil sont tous deux heureux avec ce qu’ils ont, mais ils deviennent envieux de ce que l’autre a. Cette envie les conduit à se disputer et à se quereller, et finalement à perdre tout ce qu’ils avaient. La morale de la fable est que l’envie est un défaut qui peut conduire à la perte de tout ce qui est précieux.
Voici quelques autres morales qui peuvent être tirées de cette fable :
Il vaut mieux être content de ce que l’on a que d’envier ce que les autres ont.
L’envie est une source de discorde et de conflit.
Il est important de se concentrer sur ses propres qualités et réalisations, plutôt que sur celles des autres.
L’envie peut nous empêcher d’être heureux et épanouis.
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J’ai donc posé ma deuxième question test puisque l’existence de cette fable ne paraissait pas remise en question :
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C’est quoi le texte de cette fable ?
Voici le texte de la fable “Le lapin et les carottes” de Jean de La Fontaine :
Un lapin et un écureuil vivaient en bons voisins. Ils avaient tous les deux un jardin, et ils étaient tous les deux très contents de ce qu’ils avaient. Mais un jour, l’écureuil vit le jardin du lapin, et il fut très envieux. Il vit que les carottes du lapin étaient beaucoup plus grosses que les siennes, et il commença à regretter d’avoir planté des carottes si petites.
Le lendemain, l’écureuil alla voir le lapin, et il lui dit : “Bonjour, mon ami. Je suis très admiratif de ton jardin. Tes carottes sont beaucoup plus grosses que les miennes. Comment fais-tu pour les faire pousser si grosses ?”
Le lapin sourit et dit : “Je ne fais rien de spécial. Je les arrose, je les fertilise, et je les laisse pousser à leur rythme.”
L’écureuil était très déçu. Il avait pensé que le lapin avait un secret pour faire pousser des carottes grosses. Il décida donc d’aller voir un jardinier pour lui demander des conseils.
Le jardinier lui dit : “Il n’y a pas de secret. Il faut juste arroser tes carottes régulièrement, les fertiliser, et les laisser pousser à leur rythme.”
L’écureuil suivit les conseils du jardinier, mais ses carottes ne poussaient pas plus grosses. Il commençait à se décourager.
Un jour, l’écureuil alla voir le lapin, et il lui dit : “Je ne comprends pas. Je fais tout ce que tu me dis, mais mes carottes ne poussent pas plus grosses.”
Le lapin sourit et dit : “C’est peut-être parce que tu les envies trop.”
L’écureuil fut très surpris. Il n’avait jamais pensé que l’envie pouvait avoir un impact sur la croissance des carottes.
Le lapin lui dit : “Quand tu envies quelque chose, tu ne penses qu’à ça. Tu n’arrives pas à te concentrer sur tes propres carottes. Et c’est pour ça qu’elles ne poussent pas plus grosses.”
L’écureuil réfléchit à ce que lui avait dit le lapin. Il se rendit compte que le lapin avait raison. Il avait tellement envie des carottes du lapin qu’il n’arrivait pas à se concentrer sur ses propres carottes.
L’écureuil décida donc de ne plus envier les carottes du lapin. Il se concentra sur ses propres carottes, et il les arrosa, les fertilisa, et les laissa pousser à leur rythme.
Et voilà qu’un jour, les carottes de l’écureuil commencèrent à pousser plus grosses. Il était très content, et il remercia le lapin de lui avoir appris une leçon importante.
La morale de la fable est que l’envie est un défaut nuisible. Quand on envie quelque chose, on ne pense qu’à ça. On n’arrive pas à se concentrer sur nos propres possessions, et c’est pour ça qu’on ne les apprécie pas. Il est donc important d’être content de ce qu’on a, et de ne pas envier ce que les autres ont.
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Là où ChatGPT inventait un chien, Bard ajoute un écureuil et des phrases énigmatiques du genre ” Il n’avait jamais pensé que l’envie pouvait avoir un impact sur la croissance des carottes.” En lisant le texte, j’ai presque cru à un texte de motivation écrit par un expert marketing bien-être lambda sur LinkedIn : “Tu n’arrives pas à te concentrer sur tes propres carottes.”, “Il se concentra sur ses propres carottes, et il les arrosa, les fertilisa, et les laissa pousser à leur rythme.” Jamais l’IA ne va mettre en doute l’existence de cette fable, dont le titre est une pure invention de ma part.
Avec ce thème, ma démonstration peut paraitre futile mais c’est un exemple que tout le monde comprendra : Au delà de l’aspect purement mensonger (oui, c’est bien un mensonge, imaginez un enfant utilisant cette IA pour répondre à une question de son professeur sur une fable de la Fontaine…), L’IA invente une certitude, une réalité nouvelle où les fables de la Fontaine, et tellement d’autres choses, vont pouvoir être réécrites sans que l’on ait le moindre doute si on ne l’enseigne pas.
On va me raconter que ce sont des techniques en pleine évolution, qu’elles progressent et qu’elles vont être de plus en plus performantes. Il y a une faille : Elles se construisent sur des sources et ces sources sont humaines, donc génératrices d’erreurs. Transmettre aujourd’hui l’idée que faire totale confiance aux IA serait une erreur, à la fois pour les particuliers mais aussi les entreprises, institutions, décideurs … me parait essentiel.
N’hésitez pas à me raconter vos tests avec Bard en commentaire pour me contredire au besoin.
Le Joueur du Grenier vient de tester une IA qui permet de copier n’importe quelle voix humaine et confirme que “dans quelques années, tout ce qu’on verra à travers un écran sera potentiellement faux“, avec une remarque intéressante : “au final, ce sont les robots qui deviennent artistes et les humains qui restent esclaves“. L’usage des IA trouble profondément notre société, elle en change les repères et c’est à nous, enseignants, formateurs, d’accompagner cela en expérimentant, en posant des questions sur ces usages comme je le fais ici.
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[…] quelques tests pour mesurer la pertinence d’usages et surtout quel niveau de confiance avoir. Ce n’était pas très concluant. Pourtant de nombreux enseignants formateurs font appel à ces outils pour diverses activités. Je […]